1er Mars 2021

В Нью-Йорке, 1 марта, 2021 г.

Моя дорогая Юлия,

Veux-tu que je te raconte une histoire ? C’est souvent ainsi, qu’au fil de nos conversations, je partage avec toi des anecdotes, que je trouve amusantes ou intéressantes. Alors j’ai décidé, dans cette lettre, de faire cela aussi et de raconter quelques « aventures » intéressantes ou rigolotes ! J’espère qu’elles te plairont. A vrai dire, pour moi qui les ai vécues, elles m’ont paru parfois comme des moments où j’ai regardé par-dessus mon épaule pour être certain de ne pas être dans une émission télé de « camera cachée » !

Commençons à Paris, par mon nom : Géraud Krawezik. Il se trouve qu’il y a un metteur en scène très connu qui se nomme… Gérard Krawczyk ! Alors un jour, dans ma boite aux lettres, je reçu une invitation à l’avant-première d’une comédie appelée « Grégoire Moulin contre le reste de l’Humanité », dans un cinéma des Champs-Élysées, suivi d’une collation près de là. J’étais très timide à l’époque alors… je n’y suis pas allé ! Je le regrette car ç’aurait été amusant de peut-être rencontrer mon presqu’homonyme (la carte est à son nom, je l’ai encore!) et le metteur en scène qui plus tard me fit beaucoup rire à la radio ! Quant au film, apparemment il est amusant, mais je ne l’ai jamais vu !

On reste à Paris, et on va à Pigalle, dans le passage Lathuile, près du boulevard de Clichy. Un de mes amis d’école d’ingénieurs y avait un petit studio, et l’on se voyait souvent pour aller au cinéma. Un jour j’allais chez lui en plein après-midi… Ce passage est connu car, avant leur fermeture, s’y trouvaient beaucoup de maisons closes (« bordels »), mais qui depuis longtemps sont devenus des hôtels. Les gens qui y habitent sont en majorité des Brésiliens, qui le soir venu mettent des jupes, des perruques, et vont travailler au bois de Boulogne. Ce jour-là, il faisait beau et chaud, alors ils étaient dans la rue, à discuter, en écoutant de la Samba sur un poste de radio, certains s’épilant les poils du visage, d’autres chantant, mais tout le monde me disant « Bondjourr ! » à mon passage. Ces travestis hauts en couleurs, dont la vie est si souvent triste, étaient en fait de très agréables voisins, joyeux, aidant les petits vieux qui vivaient dans les immeubles de la rue : de vrais personnages comme l’on en voit dans les films de Pedro Almodovar !

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Sur un sujet un peu connexe, je dois te parler d’une fin de nuit. Comme tous les vendredis j’étais allé au Caveau des Oubliettes dans le Quartier Latin pour y écouter du Jazz. En général j’y rencontrais mes amis Denis et Natalie, mais ce soir-la j’étais seul. Partageant ma table il y avait un groupe d’étudiants américains qui étaient pour quelques mois à Paris. C’était le moment de la deuxième guerre en Irak, à laquelle la France s’était opposée, alors on a parle de ça : ils m’ont dit que parfois ils se disaient Canadiens pour « éviter les problèmes ». Après la fin du concert ils me proposèrent d’aller dans un bar/boite près de là qui fermait plus tard, où nous continuâmes notre discussion (j’étais heureux de parler Anglais!) Vers 5 heures je rentrai chez moi à pieds, dans les rues désertes où le soleil pointait à peine. Dans une petite rue, un homme, la soixantaine d’années, s’arrêtait devant chaque porte et débitait un chapelet d’injures. Ne pouvant faire demi-tour, j’accélérai le pas pour le dépasser en regardant le sol, espérant qu’il ne dirigeât pas ses diatribes contre moi : heureusement, il était trop occupé à insulter les portes pour me prêter attention ! Mais arrivé à la fin de la rue je vis une femme, de soixante ans je pense, très maquillée, une prostituée à l’ancienne, et qui me dit avec un accent comme dans les films : « je vous l’jure, on voit de ces choses à Paris ! » en me signalant l’homme qui haïssait les portes. Alors je souris, car tout me parut alors comme illuminé, et je lui dis : « En effet ! Bonne journée Madame ! » « Merci, bonne journée Monsieur ! » et je continuais ainsi mon chemin, avec le sentiment d’être sorti de quelque tableau surréaliste ! Je crus vraiment à une « caméra cachée » ce matin-là. D’autant plus qu’avant de rentrer, je rencontrais… un crêpier ! Alors, d’après une tradition que mon ami Lionel et moi avions créée (issue de mon voyage en Pologne) de manger des crêpes ou des croissants chauds avant de rentrer dormir, je m’y arrêtai et en commandai une. Voulant entamer la discussion avec le crêpier qui avait un accent d’Europe de l’Est, je lui demandai s’il s’installait souvent à cet endroit (pour y revenir au besoin). Il me regarda comme si j’avais été un policier l’interrogeant, et me rétorqua : « Pourquoi voulez-vous savoir cela ? » Je réglais ma crêpe nutella-noix de coco, et je rentrai chez moi la déguster, et dormir !

Après la rupture avec la fille Bulgare, une amie de longue date me dit : « tu devrais aller sur Meetic, c’est là où j’ai rencontré mon petit ami. » Alors je le fis : Meetic est un site de rencontres, et si je n’y ai jamais trouvé le grand Amour, j’y ai rencontré des gens avec qui je parle toujours plus de quinze ans plus tard ! En fait je m’en servais surtout pour ça : rencontrer des gens hors de ma sphère travail-études. Et à un moment donné, je parlais à deux filles sympas, Amandine (pas la gothique, une autre!) et Isabelle. Je remarquai rapidement de nombreux traits communs : toutes les deux de la région Lyonnaise,

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toutes les deux parlant Italien (c’est rare de l’étudier en France), toutes les deux avaient passé du temps en Thaïlande, et surtout elles avaient des goûts et personnalités similaires. A tel point qu’à un moment donné je me suis demandé si ça n’était pas la même personne ! Jusqu’à un samedi. Je parlais à Amandine avant d’aller me promener et aller au cinéma. Elle me dit qu’elle allait rencontrer sa cousine et acheter du thé. Le soir venu, vers minuit, je me connecte sur le site et je parle à Isabelle qui me dit : « Je suis allée acheter du thé avec ma cousine » Ma réaction a été un éclat de rire, suivi par la question : « ta cousine s’appelle Amandine ? » « Comment tu le sais ? » Quand je lui expliqué elle n’arrivait pas à croire : « mais non, ma cousine est très catho, jamais elle n’irait sur un site de rencontres ! » Au final, nous nous sommes rencontrés tous les trois, chez moi : je leur ai fait une tarte au citron meringuée, on a bu de La Veuve (un champagne) et on a bien rigolé. Je regrette de les avoir perdues de vue par la suite car j’aurais pu m’en faire des amies je pensais. C’est notamment Amandine qui me parlât de « Belle du Seigneur » qui est un de mes livres d’amour préférés (l’histoire est très intelligente et l’écriture belle et sarcastique). Je t’ai d’ailleurs lu un extrait de « Mangeclous » (celui qui explique que l’amour c’est quand on accepte que son partenaire utilise aussi les toilettes) qui est un personnage secondaire du premier livre !

Je dois te parler aussi d’une habitude que l’on a quand on est perdu dans une ville, que l’on fait partie d’un groupe culturel très visible, et que, pensant qu’une personne qui paraît faire partie de la même culture que soi paraît savoir où elle va, on s’imagine qu’il ou elle va a l’endroit que l’on cherche, et l’on se met à la suivre…

La première fois que cela m’arriva, ce fut à Leipzig en Allemagne pour le festival gothique « Wave Gothic Treffen » : un événement énorme où la ville se remplit de gens vêtus de noir, venus du monde entier. Fait amusant : dans un supermarché de la ville, j’avais vu qu’il ne restait plus du tout de coloration noire pour les cheveux : certains devaient se faire leur teinture au camping ! L’ambiance est excellente et c’est très bien organisé : pour passer d’un endroit à un autre, d’un style musical à un autre, les tramways sont gratuits. Mais parfois… cela manquait d’indications ! J’étais avec mes amis Mathias et Amandine, que je connaissais à peine alors (je remplaçais quelqu’un qui s’était désisté). Nous y étions allés en voiture depuis Paris. Pour aller dans un parc où avaient lieu des concerts, hop, en voiture ! Arrivés au parc, un flic nous crie dessus : « Verboten ! » quand on essaie de se garer. On se met ailleurs, puis nous cherchons le concert… sans succès. Et la dans la rue nous voyons un petit groupe d’Allemands à grelots : des gothiques ! Locaux ! (les grelots c’est en référence à ceux

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que portaient les croque-morts qui ramassaient les pestiférés). Alors pensant qu’ils vont à l’endroit que nous cherchons, on les suit… « tiens on s’éloigne du parc non ? » « C’est peut-être un raccourci ? » Ils passent dans une petite rue avec des rangées de maisons… et quand ils ouvrent le portail du petit jardin devant l’une d’elle, on comprend que ça n’est pas une toute petite salle de concert intime, mais la maison où ils logent ! On a finalement retrouve le parc, avec cette fois des goths en très gros groupes, et même à temps pour voir le groupe que nous voulions !

Tu penses sans doute que la leçon a été retenue ? Quelques mois plus tard, nous sommes allés à Londres, une douzaine d’entre nous. Avant d’aller au célèbre club goth « The Slimelight » (en référence au Limelight qui est près d’ici!) nous avons suivi, mon ami JA et moi, sa petite amie et ses amis Brésiliens, des « métalleux » qui nous ont amené dans des bars très sympas. Je me souviens d’un avec des rangées de faux livres qui servaient… à cacher l’entrée des toilettes ! On y a passe un très bon moment alors le lendemain je décide de faire faux pas au reste du groupe, et d’y retourner avec… le métalleux du groupe ! Petit problème : aucune idée de l’adresse, juste le quartier, et à l’époque il n’y avait pas de smartphones ! Alors on se promène en cherchant, jusqu’à ce que nous la voyons de loin ! Qui ? Une fille habillée tout en noir, avec les cheveux très longs et lisses, clairement, une métalleuse ! Alors on la suit, en se rapprochant petit à petit… Il faisait déjà sombre et je t’ai parlé de ma mauvaise vision nocturne… apparemment je n’étais pas le seul : lorsqu’elle passa sous un réverbère, nous la vîmes mieux : ce que nous avions cru être la coupe de cheveux typique des métalleuses (façon Betty Page) était en fait… un foulard islamique ! Pendant dix minutes nous avons suivi une musulmane complètement recouverte ! Nous n’avons pas trouvé les bars métal, mais nous avons bien rit, et construit ainsi de bons souvenirs !

J’espère que ces « Petites histoires de Géraud » t’ont distraite моя дорогая Юлия, et si c’est le cas, je t’en raconterai d’autres, en attendant que, tous les deux, ensemble, nous puissions bientôt construire de nouvelles histoires, de nouveaux souvenirs.

Je t’envoie autant de baisers que de mots, я тебя люблю и думаю о тебе,

Твой Géraud