25 mai 2021

В Нью-Йорке, в 25 мая 2021 г.

Моя дорогая Юлия,

« Bonjour, je suis votre voisin, Lou, pourriez-vous me prêter un peu de sucre? » Это было, что я представил, когда жил в Калгаре, перед переехать к Нью-Йорк! Но, мой сосед не было Lou Reed! Сегодня, я хочу тебе написать о соседах!

Commençons donc par mes voisins d’enfance. Nous habitions dans un « Habitat à Loyer Modéré » (HLM) dans le quartier des Prés Saint-Jean. A Alès, les gens nommaient cet endroit « Chicago », mais c’était presque diffamatoire : à cette époque, les habitants étaient soit des familles d’ouvriers, soit des retraités des mines de charbon (mes grands-parents maternels Renée et René vivaient l’entrée d’à côté). Alors certes, les gens n’étaient pas riches, mais ils étaient pour la plupart honnêtes et travailleurs. Les mines avaient donné du travail à toute la pauvreté de l’Europe, alors les noms de famille le montraient : Rossi, Ben Ali, Carbonero (qui avaient fui Franco en Espagne), et bien sûr Krawezik. Hélas, les enfants n’allaient pas suivre la trace de labeur de leurs parents, et parmi mon groupe de voisins/amis, un grand nombre sont allés en prison : trafic de drogue et petits larcins. Les choses de nos jours ont empiré : les retraités sont morts, les ouvriers partis, alors ne restent que des « cas sociaux » : malades mentaux, toxicomanes, ou squatteurs… Mais quand j’y vivais, c’était comme une image d’Épinal : le linge aux fenêtres, les grands-mères discutant au soleil sur des chaises pliantes. A Noël on offrait de la bûche glacée aux voisins Musulmans, et lors de l’Aïd, eux nous amenaient des cornes de gazelle du Maghreb !

Nous déménageâmes quand j’avais neuf ans, dans la maison à la limite de la zone industrielle où mes parents vivent toujours. Il y a deux maisons, avec trois grands appartements au total. Dans la première, ma tante, mon oncle et mon cousin vivaient au rez-de-chaussée, alors que nous vivions au premier étage. Mon cousin ayant presque dix ans de plus que moi, nous ne jouions pas ensemble, mais à ma grande joie, dans la maison derrière, il y avait un garçon de mon age, et nous passions beaucoup de temps à jouer au foot ou à faire du vélo dans les cours devant et derrière ma maison. Nous n’allions pas à la même école, mais cela permettait pour nous deux de ne pas avoir à parler des devoirs ! Je fus attristé quand

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lui et sa famille déménagement. Ils furent remplacés par une autre famille de trois enfants, dont la fille aînée avait à peu près mon age. Parfois elle venait chez moi jouer à des jeux vidéos, ce qui faisait dire à ma sœur : « Géraud il a une copine ! » pour me faire râler . Fait amusant : sa tante a été mariée à un de mes oncles paternels, tandis que son oncle est marié avec une tante éloigné du côté maternel ! Le passage au collège puis au lycée, ainsi que les changements de voisins fit que je n’eus plus de camarade de jeu local. Avec une exception : mon ami de collège Damien, mais il fallait traverser un champ et un verger pour aller le rencontrer !

Pendant mes études, j’étais en chambre d’étudiant dans des résidences réservées à cet effet. Alors les choses étaient surtout studieuses, ce fut plutôt calme côté voisinage. Une anecdote à Nîmes toutefois : il y avait un garçon qui adorait parler… sans se rendre compte qu’en prépa, on a énormément de travail ! Malgré cela, il venait souvent soit chez moi, soit chez mes deux camarades qui étudiaient dans la même classe et vivaient dans la même résidence. Et malgré nos « hum, je dois bosser les maths », il ne semblait jamais vouloir partir, et était malpoli. Un jour alors que je lui dis : « je vais me préparer à manger », il me dit « tu m’invites ? » Je ne répondis pas mais quand il me vit verser mes pâtes il me dit : « oh mais ça n’est que pour une personne ça ! » Il prenait aussi des livres sans les demander, et parfois allait aux toilettes dans mon studio quand le sien était à deux portes de là. Pour finalement être tranquilles, nous eûmes recours à un stratagème de mon invention. Sitôt qu’il entra chez moi, je lui dis « Olivier veut te voir ! » Le voila parti à un bout d ela résidence. Olivier lui dit : « Ah non, c’est Reginald je crois ! » et hop, a l’autre bout ! Chez Reginald : « non c’est Géraud qui a une question. » Après quelques tours du bâtiment, il comprit enfin, et nous pûmes alors faire nos devoirs en paix. Un peu cruel peut-être, mais il outrepassait allègrement les limites de la politesse… et de notre patience ! Mon été à Caltech j’eus des voisins étranges : il se trouve que j’étais dans le bâtiment des goths locaux (ils utilisaient des ombrelles pour ne pas bronzer quand ils sortaient le jour : difficile de rester très blanc en Californie!) A l’époque j’avais déjà commencé à me vêtir entièrement en noir alors… j’étais le seul Français à qui ils disaient bonjour ! C’était ridicule, mais ça nous faisait bien rire. Un d’eux avait teint deux triangles rouges dans ses cheveux, alors mes amis me disaient : « Oh il y a Satan qui te passe le bonjour ! »

Paris fut évidemment le vrai passage à l’age adulte pour moi. Je vivais au dernier étage d’un bâtiment haussmannien. Dans la cour il y avait une école de théâtre ainsi qu’une petite maison où vivaient le couple Chichin-Ringer du groupe « Les Rita Mitsouko » :

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c’est sans doute pour cela que je pensais avoir Lou Reed comme voisin à New York ! Dans l’immeuble, on se serait cru dans le film « Amélie Poulain » : des gens de tous les ages, et de tous les milieux. Je me rappelle notamment la très gentille dame du 4eme qui me souhaita la bienvenue et me rassura quant à ma voisine. Là je dois te raconter comment je fis sa connaissance : un matin vers 7h30 j’appelai l’ascenseur, puis j’appuyai sur le bouton de la minuterie pour éclairer la lumière. Je faillis pousser un cri devant l’apparition fantomatique devant moi : une porte ouverte, avec une vieille dame très en colère qui me dit avec de la haine dans les yeux : « Vous ! Vous êtes un extrémiste ! Comme tous les autres ! » « Mais madame, je ne vous ai jamais rencontrée ! » Ce sur quoi elle claqua sa porte, je pris l’ascenseur, et me rendis au travail en me demandant de quoi elle parlait ! Le soir en rentrant, je regardai de l’autre cote de la rue mes propres fenêtres, car n’ayant pas encore de rideau, j’y avais un drapeau Norvégien, qui aurait pu passer pour une énorme croix ! Mais en fait non, et j’eus seulement l’explication plus tard : elle vivait là depuis des décennies, et depuis ce temps, accusait les locataires de mon appartement de lui faire payer leur électricité, celui à ma gauche de lui avoir volé ses clefs, et celui à ma droite une planche ! Et tout cela depuis plus de trente ans ! Mais les voisins, ce sont aussi les gens qui vivent de l’autre cote de la rue, et notamment cet homme qui sortait nu de sa douche sans réaliser que même s’il était au fond de son appartement… on pouvait le voir ! Lorsque je déménageai aux USA, avec mes amis nous allâmes dans un petit restaurant près de chez moi : « Le Zodiaque ». A la table d’à côté, un homme très joyeux et amusant racontait des anecdotes de tournage de cinéma. Je me dis qu’il m’était familier avant de réaliser que… c’était lui dont je voyais les grosses fesses poilues de ma fenêtre ! Je me mordis les joues pour ne pas rire…

Voilà donc un petit ensemble d’histoires de voisins… peut-être que je te raconterai la suite de l’autre cote de l’Atlantique !

Je t’envoie des baisers Юлия, toi qui est la femme de ma vie, et qui fait battre mon coeur. Ma muse, mon amour. Я тебя люблю !

Твой Géraud