1er juin 2021

В Нью-Йорке, в 1 июня, 2021 г.

Моя дорогая Юлия,

Когда ты прочитаешь это письмо, ты будешь дома, после операции. Тогда, как ты мне спросила это немного дней назад, я хочу тебе сказать о системе здровья в Америке.

Comme je te l’ai dit de vive voix, c’est en effet un système qui est cher, voire même luxueux. Mais il ne faut pas non plus imaginer que seuls les plus riches peuvent se payer les soins dont ils ont besoin. A vrai dire, il y a deux facteurs qui entrent en compte de façon générale : le premier c’est l’endroit où l’on vit, le deuxième, c’est là où l’on travaille, et parfois, là où son conjoint travaille.

Je vais donc te décrire comment ça se passe avec des exemples, pour essayer de simplifier ce qui est une machine à gaz incompréhensible et inefficace quand on arrive ici.

Alors déjà, il y a une « sécurité sociale », mais ça n’est pas un système d’assurance santé : il s’agit plus d’une sorte de retraite (très basse, ça ne suffit pas pour vivre), qui peut s’appliquer soit avec l’age, soit en cas de problème grave qui empêche de continuer un travail (en France, on appelle cela une pension d’invalidité). Ici côté assurance santé, tout est privé. Il y a toutefois dans certains états (Massachussets par exemple) des systèmes « publics » mais c’est via des partenaires privés. Parfois des candidats aux elections présidentielles parlent de créer un système de santé pour tous, mais on leur rétorque que « Les Américains ne veulent pas devenir le Venezuela » (depuis la fin de l’URSS, l’épouvantail du « péril rouge » se trouve toujours en Amérique Latine) : ils oublient que des pays comme la Norvège ont un très bon système de santé public, sans être pour autant communistes…

En général donc, les gens ont une assurance de santé privée, via leur travail. En pratique, la compagnie en paie une partie, et l’employé une autre. Le tout coûtant moins cher que si celui-ci l’achetait directement. Parfois, la société paie tout (c’est mon cas), mais c’est plutôt rare : la plupart du temps c’est 75 % employeur / 25 % employé. Après, il y a différents niveaux d’assurance : souvent appelés bronze/argent/or/platine. Plus c’est cher mensuellement, mieux les services sont remboursés. Car oui, tout n’est pas remboursé,

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loin de là ! Lorsque l’on va chez le médecin, celui-ci va envoyer la facture à l’assurance. Celle-ci va alors dire « pour une visite de ce type, nous avons un accord pour un coût de … dollars », et c’est ce que le docteur recevra. Une partie viendra de l’assurance, le reste, du patient. Je te donne un exemple. John va chez un spécialiste, qui demande 400$ pour la visite. L’assurance répond : « non c’est 360$ pour ce type de soins ». John a un niveau « gold et est assuré à 75 %: son assurance va donc payer 270$, et lui en paiera 90$. Tu trouves ça compliqué ? Ça l’est, mais ça n’est pas terminé !

Quand on cherche un praticien, il faut être sur que celui-ci accepte son assurance (« in-network ») sinon on doit tout payer soi-même ! Mais encore une fois ça se complique : souvent les coûts sont moins chers quand ils sont « out-of-network ». Certes à la fin, pour le patient c’est moins coûteux de pouvoir utiliser son assurance chez un médecine affilié, mais lui gagnera aussi plus d’argent ! D’ailleurs à New York il y a un docteur punk : comme il dénonce la collusion entre les assurances et les docteurs (les deuxièmes rendent les premières nécessaires à cause des coûts élevés… les première rendent les deuxièmes riches grâce à ces coûts!), il refuse toutes les assurances, et pratique des coûts très bas, voire gratuits pour les gens ne pouvant pas payer.

On en arrive maintenant au côté surréaliste de la chose. Pour toucher plus de patients, les praticiens travaillent dans des cabinets différents chaque jour de la semaine… et ceux-ci acceptent souvent des assurances différentes ! Ce qui signifie qu’un patient devra parfois voyager pour avoir le meilleur coût s’il veut un médecin particulier… je t’ai raconté comme un ami est allé se faire opérer à Baltimore gratuitement, quand la même opération avec le même chirurgien lui aurait coûté 50000$ ! C’est un extrême et en général c’est plutôt d’un côté de la ville à un autre, mais ça montre le ridicule de la situation !

Un autre aspect des assurances : les maxima annuels. Pour une assurance normale, cela signifie que pour les soins absolument nécessaires, un patient sera remboursé à 100 % une fois qu’il aura dépensé une certaine somme. Par exemple s’il va 10 fois chez un spécialiste et que les soins coûtent 750$, avec 250$ « de sa poche », si son maximum est de 2500$/an, la onzième visite et les suivantes, il ne paiera plus rien. Attention toutefois : les assurances dentaires fonctionnent à l’envers : elles ont un maximum annuel elles aussi, mais… après cela elles ne remboursent plus rien du tout ! Car oui, il y a en fait non seulement l’assurance médicale « normale » mais aussi une autre pour les soins dentaires, et une troisième pour les yeux (que peu de gens achètent).

Là tu dois te demander comment font les gens pour payer tout cela, notamment

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les chômeurs, les retraités, les enfants… la réponse est : ça dépend ! Pour les retraites il y a Medicaid, un système gratuit. Pour les gens qui viennent de perdre leur emploi, Cobra, qui leur permet de garder leur assurance mais… en la payant intégralement ! Pour les enfants, les conjoints, ils peuvent utiliser l’assurance du père ou de la mère de famille, mais ça peut être cher : un de mes collègues payait 2400$/mois pour ses deux fils. Dans mon travail par contre c’est une bonne assurance : gratuit pour moi et mon épouse. Mais la triste réalité c’est que beaucoup de gens ne sont pas assurés. Obama a créé Obamacare pour y remédier, mais les prix sont encore trop hauts malgré les aides du gouvernement, qui sont elles-mêmes toujours plus basses au nom de la « liberté de choix » (quand en réalité la seule liberté c’est de pouvoir se faire soigner… ou pas)

Passons au côté très noir maintenant : le recouvrement des dettes médicales. Je t’ai raconté comment je m’estime chanceux de vivre dans une ville avec des hôpitaux publics qui non seulement sont très bons, mais en plus te disent « si vous ne pouvez pas payer, nous ne vous poursuivrons pas ». Et bien hélas, il y a d’autres endroits où c’est le contraire. Ainsi pendant la pandémie actuelle, il y a beaucoup de gens qui ont perdu leur travail. Qui a poursuivi les plus démunis en justice ? Une chaîne privée de cliniques très médiocres ! Il y a même eu une de leurs infirmières qui a été menacée de saisie : à cause d’un cas très grave de Covid, son séjour là où elle travaillait normalement lui a été facturé… 90000$ ! Sachant qu’elle l’a contracté sur son lieu de travail !

Je veux quand même finir sur une note positive, en disant qu’ici les soins que l’on reçoit sont de très haut niveau, les personnels hospitaliers sont phénoménaux, et l’équipement toujours disponible (pas d’attente de deux semaines avec une jambe cassée comme c’était arrivé à une collègue à Calgary). Mais par contre, côté prise en charge financière, comme tu as pu le lire… il y a beaucoup de progrès à faire !

J’espère que ces éléments t’auront intéressée, dans ton rétablissement, que je te souhaite très prompt. Сейчас, я тебя целую, я тебя люблю, моя любовь, моя дорогая Юлия,

Твой Géraud