27 juillet 2021

В Нью-Йорке, в 27 июля 2021 г.

Моя дорогая Юлия,

« Жеро, пора в школу! Тебе надо одеться! » Это может бы быть, что мне сказала моя мама когда я был мальчик. Но вопрос это: что я носил? Сегодня, я написаю тебе… об одеждах!

Cela va sans doute t’étonner, mais lorsque j’étais enfant, je ne portais ni jeans noirs, ni T-shirts noirs, ni Docs Martens! A vrai dire, mes plus anciens souvenirs de vêtements, ce sont des cauchemars ! Il y avait d’abord les pantalons en velours côtelé, marrons, que déjà à l’époque je trouvais laids et inconfortables. Mais surtout, il y avait les terribles pulls à col roulé, peu épais, mais dont le tergal arrachait les oreilles quand on les mettait ! Normalement ce sont des sous-pulls, mais dans le sud de la France, on n’avait besoin que de cela, alors les cours de recréation étaient très colorées car non seulement ils étaient durs à enfiler et retirer, ils avaient des couleurs très voyantes et franchement très laides. Ainsi je me souviens que j’en avais un d’un vert très très voyant !

Petit à petit, avec les changements de mode, de décennie, et le fait que je ne m’intéresse pas du tout à la mode et a mes habits, les choses changèrent, et ma grand-mère était une spécialiste d’offrir des vêtements (elle les achetait dans un catalogue, ou bien sur le marché), c’est habillé par ses soins que je continuais ma scolarité. Avec pour la première fois des jeans (bleus!). Arrivé au collège (11 ans) je commençais tout de même à choisir mes propres vêtements. Non pas en disant : « je veux ceci, je veux cela, ça me plaît », mais plutôt : « je n’aime pas ça » : pas facile dans ces conditions de trouver des vêtements, et comme je te l’ai déjà avoué : ça n’a pas change des masses : j’ai toujours du mal à trouver quelque chose qui me plaise, surtout si j’ai une idée précise en tête !

Le grand changement pour moi, ce fut de vouloir porter des choses confortables, alors pendant presque tout le collège, je me mis à porter seulement des joggings. Il se trouve qu’alors, en ces dernières années de la décennie 80, chaque année un nouveau style apparaissait : « peau de pêche », suivi de « toile de parachute », pour revenir au bon vieux sur-vêtement en coton façon pyjamas ! Je les portais tous, et seulement cela : plus de jeans pour moi pendant deux à trois ans ! D’ailleurs les autres élèves se moquaient

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de moi : j’étais le seul à me vêtir de la sorte ! Quelle surprise donc quand, quelques années plus tard, tout le monde se mit à le faire, en suivant l’exemple des rappeurs américains. Mais la vérité, c’est que j’étais un visionnaire de la mode malgré moi, et je présume que ce qui est arrivé, c’est qu’un MC qui traversait Alès par hasard m’a vu, a admiré ma façon de me déplacer dans mon « peau de pêche » noir, et de retour à Los Angeles, s’est approprié mon style… le reste fait partie de l’histoire ! Alors quand tu verras des gens en survêtement qui se comportent comme s’ils étaient nés noirs à Compton, tu sauras qu’ils doivent cela à un petit garçon français de 13 ans que tu connais bien !

Cette période s’arrêta avec mon entrée au lycée, où je me vêtis de ce qui était une sorte d’uniforme à l’époque : blue jeans, t-shirts, pulls en laine (y compris certains, très beaux, tricotés par ma grand-mère). Aux pieds, des baskets… en tout cas jusqu’à l’arrivée du mouvement grunge et de Nirvana sur les radios. Alors, moi aussi, j’eus ma chemise de bûcheron en flanelle, à carreaux bleus et noirs (au lieu du classique rouge et noir), et aux pieds… non pas des Doc Martens qui étaient trop chères, mais des copies de cette marque… qui me duraient deux mois ! Alors lors du passage en classes prépas, ma mère me dit : « on va t’en acheter des vraies ». Ce fut une bonne idée : elles me durèrent trois ans ! Comme d’ailleurs toutes mes autres paires depuis ce temps ou presque ! Tu connais maintenant la fréquence à laquelle je change mes chaussures principales !

La prépa ne changea pas beaucoup ma façon de m’habiller, sauf sur un point : alors que jusqu’à présent je ne portais que des jeans bleus (ma mère me proposa un jour d’en acheter des noirs, je répondis : « mais non, c’est pour les filles ! »), un jour j’eus l’occasion d’en essayer une paire… noire justement. Je vais te raconter les circonstances. Certains de mes camarades d’école étaient des joueurs de rôle, et ils organisèrent une « Murder Party ». C’est un repas où tout le monde vient déguisé, suivant un personnage qu’il doit jouer. Pendant le repas on apprend que quelqu’un a été assassine, et il faut que les joueurs trouvent qui a commis le crime et pourquoi, en se posant des questions lors du repas et de la soirée qui suit. Je te donne le résultat : on a perdu ! Mais la soirée était amusante, et… mes jeans noirs viennent de là ! Comment me diras-tu ? Pous se préparer à son rôle, on reçoit un descriptif une semaine avant. Le mien était : le fils de la famille, qui se rebelle. Alors je décidais de m’habiller… en punk ! Le week-end je coupais un ressort en morceaux, qui me permit de faire de faux piercings : j’en avais partout : aux arcades, narines, lèvres… ce fut difficile de manger ! Pour les cheveux, j’allais dans un magasin de farces et attrapes (déguisements) et j’achetais une bombe de teinture vert fluo. J’avais déjà

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du gel pour me faire une crête… Sur les yeux, j’empruntais une paire de lunettes noires à un ami. Pour le t-shirt, ma sœur en avait un blanc avec écrit « Sexy » dessus : sur moi il était très moulant ! Aux pieds j’avais déjà des docs. Et pour le pantalon, pour la première fois, je demandais à un ami de me prêter… ses jeans noirs ! Ça me plut tellement, que depuis ce temps je ne porte plus que cela ! En passant, mon costume eut du succès : mon ami Bruno, chez qui on mangeait, éclata de rire en me voyant (j’étais le nerd de la classe!)

Alors nous avons les chaussures, les jeans noirs, mais quid des T-shirts noirs pour arriver au Géraud que tu connais ? Les T-shirts ont remplacé les chemises pour une raison simple : je n’aime pas avoir des vêtements froissés… et je déteste le repassage. Au point d’avoir presque jeté le fer par la fenêtre la dernière fois que j’ai essayé ! En prépa, je laissais mon linge sale chez mes parents, et ma mère dit que repasser la détend (!), mais une fois à Brest tout seul, plutôt que de porter des chemises chiffonnées ou de passer des heures à la laverie, j’optais pour les T-shirts ! Mais et leur couleur ? C’est lors de mon séjour en Californie que j’achetais des souvenirs… sous forme de T-shirts noirs. Trouvant que cela m’allait bien, j’en restais à cela ! Et comme je porte beaucoup de T-shirts de groupes punk, la plupart sont noirs ! De toute façon, certains T-shirts blancs sont étranges sur moi, car on voit mes tatouages au travers. Le dernier élément que j’ai ajouté, ce sont les pulls a col roule, mais, contrairement à ceux de mon enfance, en coton sombre et confortables. Peut-être est-ce parce que je n’aime pas porter de cravates, et Dali disait : « Les horribles pulls à col roulé sont pour les gens trop fainéants pour porter une cravate ! »

Une dernière anecdote sur le fait que je suis toujours habillé de même depuis plus de 20 ans : à une conférence en 2019, je portais la chemise blanche siglée de ma compagnie, et un ancien collègue me dit : « Géraud, j’ai eu du mal à te reconnaître ! Pas de T-shirt noir et de manteau en cuir ? » Le lendemain, je le revis alors que j’avais mon Perfecto : « Ah oui ! Là, c’est bien toi ! » Mais à dire vrai, je pense retourner aux chemises, quitte à payer pour les faire nettoyer. Je trouve celles à col Mao, noires, très élégantes : qu’en penses-tu ?

Voilà, une fois n’est pas coutume, je t’ai parlé de vêtements! J’espère, o моя дорогая Юлиюа, que cette histoire t’aura plu. Я целую тебя, я тебя люблю, моя елегантная Юлия.

Твой Géraud