25 août 2021

В Нью-Йорке, в 25 августа 2021 г.

Моя дорогая Юлия,

Много разов, я написал тебе о школе, и сказал тебе имена учителей. Поэтому сегодня, я хочу написать о учителях: хороших и плохих!

Commençons il y a très longtemps, avec l’école maternelle. En France, on est placé par son année de naissance. Alors étant né en fin d’année, j’étais un des plus jeunes, et donc pour ce qui est des capacités motrices nécessaires à l’apprentissage de l’écriture, un des moins matures. Cela fit donc dire à ma mère, par l’institutrice : « Géraud est lent, il ne fera pas de longues études ». J’avais quatre ans… quelle clairvoyance !

Je me rattrapais plutôt bien car à sept ans, l’institutrice me présenta comme un des élèves les plus rapides de la classe : crois-moi, pour un petit garçon qui manque cruellement de confiance en soi, ce genre de propos ça aide beaucoup ! Pour moi c’est ce qui fait un bon enseignant : la capacité d’aider les élèves à avancer… et pas seulement les premiers de la classe. D’ailleurs des décennies plus tard, je n’ai pas changé d’opinion sur les profs que j’ai eus à l’époque : certains savent faire grandir leurs élèves, d’autres non.

En école primaire, j’ai eu des « maîtres et maîtresses » qui avaient de forts caractères. Notamment celle de CM1 (9 ans), dont tout le monde avait peur. Il faut dire que si ton stylo tombait sur le sol, tu étais aussitôt punie ! La classe vivait donc dans le stress permanent de la punition : pas évident d’étudier dans ces conditions ! Fait amusant : quand elle partit à la retraite, elle s’est mise à aider son fils dans sa boutique de journaux d’une galerie commerciale. Et là, alors que quand elle était en classe elle faisait toujours la tête, derrière la caisse elle était toujours souriante et polie : peut-être que sa vocation était d’être commerçante et pas institutrice !

La dernière année, le CM2, fut pour moi de découvrir que mon milieu social influençait la façon dont certains enseignants me traitaient. Monsieur Grifeuille était un de ces instituteurs-directeurs d’école à l’ancienne : il portait une blouse gris-bleu, et ne reculait pas devant les châtiments corporels. Quand un élève était envoyé « chez le directeur » par son institutrice, souvent cela se terminait par un « aller-retour » : une gifle du plat de la main suivie d’une autre avec le dos, sur l’autre joue. Cela était d’autant plus humiliant

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que cela avait lieu devant toute la classe. Mais le mépris et l’humiliation étaient les façons de procéder de cet homme. Alors qu’en arrivant le matin, les enfants d’instituteurs allaient lui « faire la bise », moi le fils d’ouvrier (un des seuls), pourtant bon élève, je recevais ses moqueries si je me trompais en classe. Un jour, pendant un contrôle, alors que je réfléchissais, il regarda ma copie par-dessus mon épaule et dit : « alors, on pédale dans la semoule ? » Mais malgré lui, il m’enseigna quelque chose là où il croyait me briser : la résilience.

Cela me fut bien utile au collège : là encore certains professeurs ne me considéraient pas comme un élève mais comme un « fils de : – père : soudeur – mère : au foyer », comme c’était écrit sur les fiches qu’ils nous faisaient tous remplir à la rentrée. J’espère que ce genre de pratiques n’existe plus… Un fait amusant là-dessus : le prof d’histoire de 6eme (11 ans) nous demanda de faire la fiche, et lisant rapidement, leva les yeux : « Roméro, ton père il fait quoi ? » « Videur » « Comment cela ? » « Ben videur dans une boite de nuit » (de nos jours, on dit poliment agent de sécurité). Je vis blanchir le prof, je crus qu’il allait se signer !

Un des pires profs que j’eus, en 5eme, 4eme, 3eme, fut M. Frediani : prof de Français, communiste, mais qui détestait les fils de « pauvres » dans sa classe, et qui me fit détester les classes de Latin (grâce à cela, je fis plus d’Anglais!) Par chance pour nous, il était bricoleur, et maladroit… alors quand par accident il se planta un ciseau à bois dans le ventre, il fut remplacé en classe de 3eme, 90 % du temps. La remplaçante était une jeune fille dont c’était le premier poste. Les cours étaient clairs, et grâce à elle je compris que la grammaire est une question de logique : ça m’aide encore de nos jours alors que j’étudie le Russe : je lui dois d’être « bon en Français ».

En parlant de remplaçants, en primaire nous avions un homme qui venait parfois et que nous adorions : en plus d’être pédagogue, il faisait de la spéléologie, de l’archéologie, et nous montrait des diapositives de ses sorties ! (Il y a beaucoup de grottes dans la région). Mais surtout, avec un ami il avait récolté de vieilles histoires traditionnelles des Cévennes (Alès en est la porte), et chaque matin il nous en contait une avant de continuer sur « et maintenant, l’histoire merveilleuse des mathématiques ! »

Parlant de maths, M. Cognetti, le professeur de 4eme, fut le premier d’une série à me donner confiance dans cette matière. Il était aussi «  à l’ancienne » avec sa blouse blanche de laborantin sur un costume bien repassé, et une odeur d’après-rasage qui précédait son arrivée. Il expliquait tout très bien, n’avait pas de « préférés » parmi ses élèves, et encourageait au travail par son attitude générale : c’est quelqu’un qui respectait l’institution et le rôle qu’il représentait. J’eus la chance d’avoir, sur quatre ans, au moins un professeur comme

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cela dans chaque matière, ce qui me permit d’avoir des bases solides même plus tard avec des profs moins bons. Alors je remercie ma prof d’Anglais de 6eme, d’Espagnol de 3eme, de biologie de 4eme, d’histoire-geographie de 4eme (malgré les cartes finies à 11h du soir : elle nous apprit que l’histoire n’est pas seulement une suite de dates!)

Au lycée, j’eus des personnes très importantes dans ma vie : le professeur de maths de 1ere, qui fait partie du triumvirat qui m’ont donné confiance en cette matière. Il m’encourageait tout en me disant « peut mieux faire » (un grand classique : je ne faisais que le strict nécessaire, pas plus). En terminale nous aurions dû l’avoir : hélas les luttes de pouvoir au sein de ce grand lycée amena à sa « punition » : pas de classe du bac, alors que sur trois classes, nous étions 33, 34, … 26 ! En seconde, Mme Brunel la nouvelle professeur de Français eut une importance durable sur moi : grâce à elle je compris que l’on peut obtenir le respect sans hausser la voix. Que l’on peut écrire rapidement et bien. Que l’on peut exprimer ses idées de façon claire sans que celles-ci perdent de leur profondeur. Mais celui qui eut le plus d’importance pour moi, ce fut M. Gontard, le prof de biologie de 1ere : il nous faisait faire beaucoup de TP (travaux pratiques) avec le microscope. Après il fallait écrire un mini-rapport expliquant ce que nous avions vu. En fin d’année, sur un contrôle et le bulletin scolaire, il écrivît : « un bon petit scientifique, pétri de qualités ». Ma thèse est dédiée «  à ceux qui m’ont fait » : il en fait partie.

Dans la même veine, se trouve évidemment M. Logé, prof de maths en Mathématiques Spéciales, et le troisième qui me donna confiance en moi. Dans son cas, c’était en m’envoyant systématiquement au tableau corriger les exercices. Ça m’a aidé à apprendre à parler devant un groupe, et à soigner ma timidité : je me demande parfois si les enseignants savent à quel point ils nous influencent. Les classes prépas, c’est aussi la physique. Et pour moi le déclic arriva, par chance, en toute dernière année, avec M. Bonhomme, dont les explications étaient claires, et les démonstrations sans irrégularités mathématiques : je dois à lui et M. Logé ma carrière d’ingénieur.

А ты Юлия, у тебя была есть преподавателы, которые были очень вожные в твоей жизни?

Je t’embrasse très fort mon amour, toi qui sais maintenant en partie d’où me viennent certains traits de caractère. Я тебя люблю,

Твой Géraud