В Нью-Йорке, в 11 сентября 2021 г.
Моя дорогая Юлия,
« 9/11 : Never forget ! » Это что ты бы читала в всём городе, если бы ты жила здесь. Когда год, у нас есть светы, где были башни World Trade Center. Я видел их, в 1999 год, и я видел также когда они рухнули. И да, я некогда не забыл это… Но у меня есть другие ваеные события в моей памяти. И сегодня, я написаю тебе о этех.
Je commence par le 11 septembre, car je viens de voir les lumières, les fontaines avec les noms décorés de roses, et tout cela est encore frais dans ma mémoire. Le 11 septembre 2001, j’étais à Orsay, dans le bureau où je travaillais. Mon collègue Pablo était au téléphone avec un client Italien, quand celui-ci lui dit : « il se passe quelque chose aux USA, une attaque, le président est mort ! » Aussitôt, nous essayâmes de lire les nouvelles sur internet, mais tous les sites des grands journaux étaient lents, à cause de la demande. Sur les tchats on se donnait des nouvelles entre amis : surtout des rumeurs. Le patron sortit alors la vieille télévision sur roulettes du placard, et là, nous vîmes tout : la première tour déjà en flammes, dont s’échappait une épaisse fumée. Puis tout à coup, un deuxième avion arriva. La boule de feu quand il entra en collision avec la tour amena le silence. Alors les nouvelles arrivèrent : un troisième avion s’était écrasé sur le Pentagone, et un quatrième au milieu des champs (les passagers ayant repris le contrôle, mais ne sachant pas piloter, ils ont fait cela pour éviter d’autres morts). Et tout à coup, au milieu des analyses, un vrombissement : la première tour s’effondrant, bientôt suivie de la deuxième. Je ne croyais pas ce que je voyais : j’étais monté en haut des tours deux ans auparavant, elles paraissaient si solides. Je me mis à pleurer, car déjà j’adorais la ville et c’était comme de la voir être poignardée. Je pensais alors à ce gardien noir qui travaillait sur l’esplanade, et dont le rôle consistait à faire partir les touristes voulant grimper sur la sculpture qui ornait le centre de la fontaine entre les tours. Aujourd’hui cette sculpture, très abîmée, est exposée à côté du mémorial : un symbole cabossé de la résilience de cette ville que j’aime tant. Après quelques jours un nom devient connu : Ben Laden. Un petit pays aussi : l’Afghanistan, et les terribles Taliban et leurs règles absurdes. Un retour en arrière se fit alors : on se rappela les statues de Bouddha détruites quelques mois avant, et surtout,
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deux jours avant les attaques, la mort annoncée du commandant Massoud, toujours présenté dans les journaux Français comme le héros qui sauverait le pays des Islamistes fous. Vingt ans ont passé, avec un cortège d’autres horreurs venues d’ailleurs, mais on reparle toujours des Taliban et de la vitesse avec laquelle ils ont repris le pouvoir, et appliquent les mêmes règles. La boucle est bouclée, rien n’a changé là-bas. De part le monde, par contre, un changement de taille : désormais plus de poésie et d’insouciance quand on prend l’avion, tout le monde est traité en terroriste potentiel.
Mais au final, cette paranoïa dans les aéroports, ça n’est pas grand-chose à côté des grands évènements des années 80-90, et qui eux ont radicalement change la vie de millions de personnes de façon quotidienne : la chute des régimes du « Bloc de l’Est ».
Celui dont je vais d’abord te parler, date de 1989, et il s’est passé là où tu te trouves alors que je t’écris : en Roumanie. En France, le nom de Ceaucescu était très connu, et synonyme de dictateur sanguinaire sans pitié, qui vivait dans l’opulence quand la population mourrait de faim et de froid. On parlait de l’espionnage permanent de la population : des parents par leurs enfants comme dans 1984, et des microphones dans les cantines. J’ignore ce qui est vrai et ce qui est faux la-dedans. Mais une dizaine d’années avant, ma tante Annie et son copain y étaient allés, à moto (elle était aventurière). Là, alors qu’ils prenaient des photos d’enfants en train de jouer, un homme s’était approché, leur avait demandé leur passeport, l’appareil photo… et avait alors détruit la pellicule. Alors quand la révolution eut lieu, on était heureux de voir le peuple dans la rue, les drapeaux avec un trou au milieu, dont l’emblème des dictateurs avait été retiré (ce que Bill Clinton prit pour un poncho quand, président, il en reçu un en cadeau). Puis le 25 Décembre arriva. Et l’ont vit alors les images du couple Ceaucescu, dans une salle de classe, en train de répéter « nous ne reconnaissons pas ce tribunal » devant des hommes en armes. Ce couple si terrible était alors deux petits vieux grelottant dans le froid. On les voyait ensuite amenés dans la cours, et placés contre un mur. Puis le bruit de la mitraillette, et leur sang coulant sur le sol gelé. C’est à ce moment que, pour la première fois, je compris ce qu’était un avocat, et que tout le monde en mérite un, même la pire des ordures, le pire des monstres, le plus ignoble dictateur.
Quelques mois avant cela, les choses avaient commencé à bouger en Allemagne de l’Est, ce qui culmina à la chute du mur de Berlin en Novembre. Vu de France, les deux Allemagnes paraissaient très différentes, un peu comme si à l’Ouest c’était le pays en couleurs, moderne, alors qu’à l’Est c’était un pays désuet, en noir et blanc. D’ailleurs je crois que cette image était générale pour tous les pays d’Europe de l’Est : en réalité, les deux parties
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de l’Europe ne savaient que peu de choses l’une de l’autre, et c’était très caricatural. Dans la comédie « OSS117 », le héros joué par Jean Dujardin dit : « la dictature, c’est quand les gens sont communistes, s’habillent en gris, et ont des fermetures éclair sur les souliers ». C’est bien comme cela qu’on imaginait alors la RDA, avec sa terrible police politique, la Stasi. Mais je me souviens surtout de la liesse quand le mur tombât, avec Mstislav Rostropovitch allant jouer du violoncelle tandis qu’il était démoli. Je me souviens aussi, en France, de la méfiance vis à vis d’une Allemagne unie, car toujours vue comme une partenaire mais compétitrice : et cela dure encore.
Mais évidemment, l’évènement le plus important, ce fut la fin de l’URSS. En France, à cette époque, le parti Communiste recevait 25 % des voix. Alors ce fut un changement qui impacta le pays directement. Du fait du respect Français pour la Russie, l’Union Soviétique était admirée, même si la méfiance était grande (bien que jusqu’à récemment, la France ne fasse pas partie de l’OTAN). Gorbatchev était vu comme un dirigeant stable, très intelligent, et respecté. Mais cette image de l’URSS forte et solide s’effrita peu à peu, surtout après la catastrophe de Tchernobyl. Et quand eu lieu la tentative de coup d’état en Août 91, et que le monde vit un Gorbatchev l’air fatigué et abattu, l’Europe de l’Ouest commença à s’inquiéter de la suite. Alors on découvrit un homme rougeaud, maire de Moscou, Boris Eltsine : et son amour apparent pour la Dive Bouteille n’aida pas à rassurer quant à sa capacité à maintenir le pays / la région sous contrôle, et notamment son formidable arsenal nucléaire. Hélas les craintes étaient fondées, et nombre des armes de cette époque circulent à l’Ouest chez les bandits maintenant. Mais pour moi, l’image de clôture de 80 ans d’histoire, ce fut lors des Jeux Olympiques de 1992 : quand les sportifs de l’URSS désormais disparue marchèrent ensemble, pour la dernière fois, sous un même drapeau, celui de la « Communauté des États Indépendants » : une sorte de chant du cygne avant de disparaître dans les pages des livres d’histoire.
J’espère, моя дорогая Юлия, que mes petites mémoires et anecdotes t’auront intéressée. J’appose mes lèvres sur ton doux nom écrit sur le papier, et j’imagine ces baisers rejoignant alors tes propres lèvres.
Твой Géraud