В Нью-Йорке, в 25 октября 2021 г.
Моя дорогая Юлия,
« Pinky! Sois sage! Arrête de faire des bêtises! » Это что то часто можешь слушать когда мы говорим. Но, и я, ты думаешь что, я весгда был добрый и не делал гупости, или нет? Я скажу тебе… когда я делал гупости, и как мои родетели отреагировали!
Je t’ai sans doute déjà raconté la première histoire : j’avais trois ans quand nous déménageâmes dans l’immeuble où vivaient déjà mes grands-parents, avec ma tante la plus jeune, Marie-Pierre, et mon oncle Didier. Comme il se doit quand on s’installe dans un nouvel endroit en France, mon père refit les peintures et remplaça le papier peint. Il faisait cela le soir en rentrant du travail, et avait une grande table avec ses outils, et notamment une paire de ciseaux très pointus, très coupants, de 20cm de long environ. Un matin, je me levais et décidais de m’improviser coiffeur. Alors, m’emparant des ciseaux, j’allais dans la chambre de mes parents encore endormis, et je dis à ma mère : « je vais te couper les cheveux ! » Elle se réveilla en sursaut, et heureusement pour elle, j’étais très adroit car elle perdit seulement une partie de sa frange ! Ma carrière de coiffeur s’arrêtât toutefois là, et les ciseaux furent désormais rangés en hauteur.
J’ai toujours été gourmand. Et dans ma famille c’est quelque chose de général pour ce qui est des sucreries et des biscuits. Alors souvent ma mère nous disait : « ne vous bourrez pas sinon vous n’aurez plus faim ce soir ! » « Ne finissez pas tout le paquet de biscuits aujourd’hui ! » Alors je l’écoutais, et en général quand il y avait un paquet entamé, je ne mangeais jamais le dernier… Mais tous les autres en grande partie… je me serais senti coupable toutefois d’avoir dévoré ce dernier biscuit, bonbon, ou carreau de chocolat ! D’ailleurs une fois dans mon propre studio d’étudiant à Nîmes, la première fois où j’allais faire les courses seul, j’achetais une tablette de chocolat Lindt aux amandes, et je la dévorais, entière, d’un coup, sans laisser le dernier carré : on a parfois de drôles de manières de fêter son « indépendance » !
Sur le même sujet, je dois te parler des colonies de vacances quand j’avais dix ans.
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Je passais alors un mois de vacances dans les Alpes, à Saint-Firmin, avec d’autres enfants de ma ville, encadrés par des adolescents de 17-18 ans. Et là, entre des promenades dans la nature et divers jeux, comme tous les autres, je mâchais beaucoup de chewing-gums « Malabar ». C’est une vieille marque française qui a la particularité d’avoir des images dans l’emballage. Cet été-là, il s’agissait de super-héros alors nous les collectionnions ! Quelle fut donc ma joie lorsque, juste avant de rentrer chez nos parents, le garçon qui en avait le plus me les offrit toutes ! Mais je compris ensuite que c’était un cadeau empoisonné : quand ma mère ouvrit ma valise pour y prendre mon linge, elle se mit à crier en voyant tous ces emballages vides : « Géraud ! Regarde tous les chewing-gums que tu as mangés ! » J’eus beau expliquer que c’était un ami qui m’avait donné sa collection, elle ne m’a jamais cru !
Parfois les bêtises sont faites sans s’en rendre compte, et on fait peur à ses parents sans le vouloir. Un après-midi, des amis étaient venus chez moi. Nous sommes allés jouer au football sur le parking de l’usine en contrebas, fermée ce jour-là. A un moment, le ballon tomba dans une rigole, et comme il avait plu récemment, il flotta sur l’eau et se retrouva coincé dans un tuyau d’assez gros diamètre. Après des tentatives infructueuses de le déloger à l’aide d’un bâton, je décidais de rentrer dans le tuyau. Quand j’en ressortis, ballon à la main, mes pantalons étaient recouverts d’une boue noire jusqu’aux genoux : les ouvriers se servaient de cette rigole pour se débarrasser de produits chimiques, qui s’accumulaient dans le tuyau ! Ma mère me fit vite prendre une douche pendant que les pantalons trempaient dans de l’eau savonneuse. Et mon père gesticulant et criant, m’expliqua que souvent de tels tuyaux conduisent à un petit puits où j’aurais pu tomber entièrement, dans les produits chimiques. Après cela, les séances de foot entre copains se limitèrent à la cour derrière la maison !
Une des bêtises les plus idiotes que j’ai faite, ce fut de ne pas avouer une faute. En cela je crois que j’étais comme Antoine Doisnel dans le film « Les Quatre-cent coups » : à un moment on lui demande « pourquoi est-ce que tu mens ? » Et il répond : « ben quand je dis la vérité, on ne me croit pas et on m’engueule. Alors autant se taire quitte à se faire engueuler ». Dans mon cas ce fut une histoire de photos d’identité : j’étais en classe de 6eme, et voulant avoir des souvenirs dans mon porte-feuille, j’avais pris une photo de chacune de mes sœurs, sur les quatre que comptent celles prises dans les cabines automatiques. Ma mère, quelques semaines plus tard, s’apercevant qu’il y avait trois photos au lieu de quatre, se mit à nous interroger rudement. « Qui a volé les photos ? » Devant un tel drame apparent, et de peur de me faire enguirlander encore plus, quand elle me demandât directement, je
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lui mentis alors : « non, je ne les ai pas prises ». Quelle erreur ! Car cette histoire dura toute une semaine, jusqu’à ce que ma sœur fouille dans mon porte-feuille et y trouve les photos. Alors j’eus droit à des accusations qui durèrent des années : « je t’aurais donné ces photos si tu m’avais demandé ! » « Tu m’as menti en me regardant droit dans les yeux ! » « Je ne te fais plus confiance ! » « Parfois je me demande si tu ne te drogues pas ou si tu n’es pas pédé ! » (homosexuel : à cette époque c’était encore une opprobre). Au final, ce genre de choses m’amena à mentir plus tard : à cacher une mauvaise note, la seule punition écrite de ma vie…
En fait je réalise maintenant que mes parents ont été toujours très bons, mais sur ce point, la tendance à tomber dans le drame pour de toutes petites choses, ils auraient dû savoir se contrôler. Mais je sais qu’avec mon grand-père maternel c’était pareil : on reçoit beaucoup de choses de ses parents, en bien mais aussi en mal. Et je lutte souvent contre cette inutile dramatisation des petites aspérités de la vie qui amène tant de stress à ma mère comme à ma grand-mère avant elle. Quand je suis né, ma mère était très jeune, et c’est son frère Richard qui lui donnait des conseils, dans des lettres dont j’ai pu lire certaines.
Si je pouvais aller dans le passé, je dirais à mes parents que plutôt que de dire aux enfants ce qu’ils ne peuvent pas faire, il vaut mieux leur montrer ce qu’ils peuvent faire : leur ouvrir les yeux au champ des possibles, et surtout, tout faire pour leur apporter confiance en eux-mêmes. Désormais, sachant que ma nièce Eva souffre de ces afflictions familiales, je lui écris parfois pour essayer de lui apprendre que dans la vie, il faut ne pas tout dramatiser outre mesure, et qu’il faut avoir confiance en ses capacités, sans avoir peur de tomber dans l’arrogance, qui est en fait souvent une façon de cacher des lacunes. Je m’aperçois que ma lettre s’est éloigne du sujet principal, même si Pinky m’a redonné de l’inspiration en voulant se coucher sur l’encre qui sèche !
Моя дорогая Юлия, я надеюсь, что тебе нравится это письмо. Сейчас, я целую тебя. Я тебя люблю,
Твой Géraud