1er mars 2022

В Нью-Йорке, в 1 марта 2022 г.

Моя дорогая Юлия,

Я не знаю, когда ты будешь получить это письмо. Но я думаю, что важно написать тебе, потому что мы любим друг другу, и наша любовь сильнее всё: пандемия или война. Я не буду написать о политичестких вещах: я хочу говорит тебе о всё, так как всегда. Только сегодня, я написаю тебе о моих каникулах во Франции.

Comme tu peux l’imaginer, retourner là-bas après une absence de neuf ans n’a pas été sans émotions. Ça a commencé des l’arrivée en avion à Paris : l’endroit où j’attendais mon train est la même gare que celle où s’arrête le train de banlieue que j’ai pris si souvent (c’est le même qui, au sud, mène à l’université où j’étudiais).

Le trajet en train me parut interminable : toi qui n’aime pas le train, tu devais être en train de rêver à cela à ce moment-là : d’abord avec la pandémie la voiture restaurant été fermée. Une déception pour moi qui pensais m’y asseoir et contempler le paysage via les grandes fenêtres. Ensuite, le passager à côté de moi passait son temps à tousser : cela rend un peu paranoïaque ! Ceux de devant et derrière, à parler sans arrêt, façon « je suis quelqu’un de très important » (qui prend un train low-cost de deuxième classe…) alors malgré mes déjà quinze heures de voyage, impossible de dormir. Enfin, le train avait des problèmes techniques, et prenait du retard par de très longs arrêts. Heureusement pour moi, j’avais demandé que mon téléphone professionnel soit débloqué pour la France : je pus tenir à jour mes parents. Le trajet de trois heures en dura donc presque cinq, mais j’arrivais enfin à Nîmes… dans la mauvaise gare. De là, vingt minutes de bus et beaucoup de gens aigris plus tard, je débarquais enfin à Nîmes, derrière la station que je connais si bien : j’étudiais et vivais à côté. Avec les autres passagers, nous traversèrent la petite place qui nous séparait de la gare ferroviaire, et nous arrivâmes devant… la porte fermée ! En effet, après 22h30 ils font partir tout le monde et ferment la gare pour la nuit !

Alors j’appelais ma mère, et mes parents arrivèrent… mais notre rencontre fut très étrange car ils étaient dans la gare, moi dehors, et entre nous une grande porte de verre, fermée ! C’est le gardien qui, ne voulant pas qu’ils attendent dans le froid, leur avait

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gentiment ouvert pour qu’ils ne soient pas dehors, au vent, au froid, et a la merci des voleurs (le quartier est mal famé, comme souvent autour des gares). Nous dûmes donc l’attendre, lui et son chien, pour enfin nous revoir. Physiquement, ils n’ont pas changé en neuf ans : je crois que le plus gros changement pour eux s’etait déjà déroulé avant, quand tous les enfants sont partis vivre leur propre vie. Psychologiquement, je craignais que mon père ne soit bougon comme à son habitude, mais je crois qu’il fit des efforts et fut jovial. Ma mère ne montre que rarement ses émotions, et c’est seulement après quelques minutes qu’elle déposa un baiser sur ma joue.

Dans la voiture, en allant à Alès, nous parlâmes beaucoup. Arrivés à la maison, après minuit, ma mère me donna du fromage, et une tarte aux poireaux qu’elle m’avait préparée. Malgré la fatigue, nous parlâmes jusqu’à deux heures du matin. Le lendemain au petit déjeuner, je dévorais encore de la tarte, alors elle m’en prépara une deuxième, aux oignons : ce fut mon petit déjeuner délicieux pendant une semaine !

Le temps étant plutôt froid, venteux, et gris, je ne pus aller dans les endroits que j’aime dans cette région. Je me contentais donc de visites en solitaire en centre ville, retrouvant partout les mêmes masques, les mêmes attitudes. Mais je pus voir avec plaisir que les jolies petites boutiques de mon voyage précédent sont encore là, même si celles de mon enfance ont parfois, quant à elles, disparu. C’est dans une de ces promenades que je trouvais le magnet qui est maintenant sur ton frigo. Alès est « La porte des Cévennes », alors beaucoup de souvenirs se rapportent à la région plutôt qu’à la ville. Ce qui me choqua ? L’accent des gens, qui m’a semblé plus chantant que dans mes souvenirs. Ce qui me plut ? L’amabilité des commerçants, allant fouiller dans leur inventaire pour répondre à ma question. Ce qui m’étonna ? Je vis dans un endroit où quand un magasin dure dix ans, c’est rare, alors voir le magasin où a été acheté le service en argent offert à mes grands-parents pour leur mariage est encore là… ça étonne. Ce service est d’ailleurs chez moi maintenant : je voulais seulement la boite à bonbons avec les boutons, mais ma mère me l’a donné : à Noël, je peux donc m’en servir, comme dans mon enfance.

Cette sorte d’immobilité de la ville, avec ici et là des touches de changements, je l’ai aussi retrouvée dans la maison de mes parents : les encyclopédies sont rangées exactement de la même façon que je les avais laissées, pourtant la chambre a été repeinte. De même dans le placard, les étagères pour le matériel d’aquarium, fabriquées par mes soins, sont toujours là. Mais ce qui m’étonna le plus, c’est de retrouver le secrétaire où je faisais mes devoirs (avec ma collection de pierres : je te l’ai montrée en vidéo) : tout dedans, au

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moindre détails, était resté le même. Cette sorte de capsule temporelle m’a ému, mais aussi effrayé un peu : il y a même des rames de papier calque qui sont inutilisées depuis 25 ans. Tu sais Юлия, si tu es curieuse du Géraud tel qu’il était au lycée, tu le trouveras là, du moins son cadre de vie. En tout cas, sachant que ma mère dort et se repose dans mon ancienne chambre, je pris soin de ne rien déranger. Et cette continuité m’a aussi montré à quel point je suis aime de mes parents.

Pour le reste de la famille, ce fut parfois étrange. Avec ma sœur et ma nièce notamment, toutes deux refusant de se faire vacciner. Ma nièce se rendit aussi compte de mon age, et à 12 ans, son oncle de 45 n’est pas si cool que cela, malgré ses animaux exotiques (elle rêve d’en avoir), et le fait qu’il vive à New York. Je fis donc face à une adolescente classique, renfermée dans son téléphone et bougonnant comme peut le faire son grand-père. Quand cette phase sera passée, je présume qu’elle me parlera plus souvent.

Avec mes oncles paternels par contre, tout se passa très bien. Il faut dire que tous les deux sont motards, alors nous avons pu parler de mon ancien travail, de motos, de casques : je crois qu’en quelques heures, nous avons plus parlé que dans toutes les décennies précédentes ! Il faut dire qu’en général, je crois que tous deux sont mal à l’aise avec les enfants, alors un neveu adulte, c’est plus simple ! Ma tante, qui vit au rez-de-chaussée de la même maison, était toujours aussi bavarde. Notamment parce que l’été dernier, j’avais conseillé son petit fils dans le choix d’une école d’ingénieurs. Comme il est très heureux maintenant, et qu’elle l’adore, elle était enchantée !

Évidemment, j’aurais aimé pouvoir rendre visite à de la famille, peut-être même revoir d’anciens camarades d’école. Mais les temps étranges dans lesquels nous vivons ont décidé autrement. Ma mère ne me l’ayant pas proposé, je ne suis pas allé là où repose ma mamée Renée. Mais partout dans la ville, comme dans la maison de mes parents, j’ai retrouvé les émotions que je ressentais étant enfant, jusque dans le gâteau aux fraises de mon anniversaire.

Voilà, моя дорогая Юлия, un récit de mon voyage, empreint de nostalgie, un peu typique de la ville endormie sous le soleil où je suis né. Je t’envoie, à travers la distance et le temps, des baisers nés de notre amour, qui est plus fort que tout. Я тебя люблю,

Твой Géraud