1er Novembre 2020

НьюЙорк, 1 ноября 2020 г.

Дорогая Юлия,

Aujourd’hui je me rends compte à quel point ce que je t’écris est une lettre qui est dirigée vers le futur. En effet, je vais te parler de choses actuelles et dans le futur proche, ce qui signifie que tu auras la réponse aux questions qui aujourd’hui me hantent.

Une fois n’est pas coutume, je vais te parler de politique… un peu normal à deux jours des présidentielles Américaines. Lorsque tu liras cela, il y aura j’espère un nouveau président élu. Je dis j’espère, car dans le cas contraire, il y a un risque non négligeable de guerre civile ici, avec une population très excitée, et sur-armée. Je l’avoue, en ce moment, j’ai toujours en tête la chanson de Bowie : « I am afraid of Americans », et je suis heureux de vivre dans une des seules villes du pays où le port d’arme est très réglementé…

Mais ce qui m’intéresse en fait, c’est l’état des démocraties occidentales actuellement, pour simplement poser cette question : « comment en est-on arrive là ? » Autrement dit à des systèmes où il y a une grande polarisation des opinions, en grande partie, me semble-t’il, parce que beaucoup de ces discussions sont passées de la réflexion à l’émotion. Parfois j’en viens à penser : et si l’on avait un permis de voter comme un permis de conduire : pas à vie, mais avec des contrôles de temps en temps, pour être sur que l’on vote en ayant encore ses facultés. Oh je sais que cela horrifierait beaucoup de gens : « la démocratie ça doit impliquer tout le monde ! » Et c’est vrai, en tout cas telle que nous la définissons au 21eme siècle. Mais mes propres réflexions autour de ça, et notamment comment empêcher les ploutocraties et oligarchies, m’ont amené à penser le comment une démocratie peut se protéger. Dans mon idée de permis de voter, si l’on s’apercevait que trop de citoyens échouent aux examens, alors les dirigeants doivent partir, car cela signifie qu’ils abrutissent volontairement le peuple pour l’empêcher de voter.

Cet exemple, je te le donne simplement pour illustrer ce qui à mon humble avis est le principal problème actuel : les philosophes ne font plus leur travail. Par là , je veux dire qu’ à la base, la philosophie servait, ou devait servir, à réfléchir sur la meilleure façon d’avoir une société humaine. Ça a eu du succès du temps de la Grèce ancienne, après tout si l’on regarde les lois en France, elles sont basées sur le code Napoléonien, qui était lui-même base sur le code Latin, dont les origines sont Grecques. Ce que j’essaie de dire, c’est que plutôt

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que de considérer avec prétention que ce que nous avons est parfait, que cela ne peut être amélioré (cela se voit aux USA : l’obsession pour la Constitution, écrite par de riches hommes blancs pour eux-mêmes), il faudrait que les philosophes se remettent à penser à ceci : quelle serait une société humaine idéale ? Dans la Chine antique, avant l’unification, il est dit qu’il y avait cent écoles de pensée différentes, avec des modèles de sociétés et de gouvernements très divers : peut-être qu’il serait temps pour la civilisation actuelle de se remettre en question, et elle aussi devrait réfléchir à son amélioration si elle veut avoir un futur…

Comme tu peux le voir, c’est un sujet qui me passionne, mais auquel je connais très peu de choses, n’étant ni historien, ni philosophe, ni anthropologue. Je crois qu’il faut bien connaître ces trois domaines pour appréhender ce sujet. Je finis sur une anecdote. Il y a quelques années, j’ai assiste à une conférence avec Yannis Varoufakis, ancien ministre Grec des finances. Il nous a expliqué que dans la démocratie grecque, afin d’éviter que les citoyens ne soient piégés par des sophismes, si lors d’une assemblée l’on trouvait que quelqu’un parlait de façon trop artificiellement belle, on gravait son nom sur une coquille. Si beaucoup de coquilles portaient le même nom, cette personne perdait son statut de citoyen et devait quitter la cité. Il s’agissait de coquilles d’huître (oyster en Anglais), et c’est de là que vient le terme ostraciser (ostracize) ! Les Grecs avaient pensé à beaucoup de moyens pour assurer le futur de leur société… et je crois qu’il serait temps de réfléchir aussi pour la notre.

J’espère que mes petites pensées et remarques t’intéresseront. Nous parlons si souvent de sujets des différents… alors j’ai décidé de faire de même dans les lettres. J’essaie aussi de les limiter à deux ou trois pages, afin qu’elles ne soient pas bloquées en douane : peux-tu me dire, ô Юлия du futur, si ce format te convient ?

Je t’envoie de tendres baisers, je pense à toi, à ta curiosité qui m’aide à m’éveiller aussi au monde. я тебя люблю, ты необыкновенная девушка.

Твой ГузиГузи, Geraud